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Le 1er baromètre de l’innovation et les enjeux en 2024 pour la pharmacie

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La crise sanitaire semble loin et l’apport des solutions numériques s’intègre désormais dans le quotidien des pharmaciens et des usagers. En ce début d’année 2024, on peut s’interroger sur les principaux enjeux pour le réseau officinal et l’évolution de l’écosystème pour y répondre. C’est l’objectif du 1er baromètre de l’innovation pour la pharmacie d’officine !

La Pharmacie Digitale et Health Analytica se sont associées pour décrypter l’offre de solutions innovantes et proposer une analyse prospective des acteurs en présence.  Pour disposer d’une vision à 360°, ce benchmark est complété par une enquête réalisée par PharmedInsight. Pharmaciens et préparateurs ont été interrogés sur leurs perceptions et leurs attentes en termes d’innovation.

Intéressons nous d’abord aux trois principaux défis à aborder pour le réseau officinal en 2024.

L’enjeu économique

Après des performances exceptionnelles pour les pharmacies qui se sont mobilisées dans les actes liés à la Covid, l’incertitude économique devrait perdurer en 2024. En effet, le rapport « Charges et Produits 2024 » de l’Assurance maladie rappelle le rôle majeur des pharmaciens dans la crise sanitaire mais met l’accent sur le gain de trésorerie et de rémunération moyen de 70 000€ par officine en 2022. 

«La rémunération des officines a connu une croissance importante et soutenue ces dernières années, portée par la hausse exceptionnelle due aux missions en lien avec le Covid-19, mais également grâce à la diversification des modes de rémunération. Pour améliorer l’accès aux soins et maintenir une offre de soins de proximité, de nouvelles missions pourraient être proposées aux pharmaciens et des mécanismes spécifiques pourraient être créés pour maintenir l’offre officinale sur le territoire. Une réflexion sur le financement de ces nouvelles missions au regard du dynamisme de la rémunération historique des pharmaciens en lien avec la délivrance de médicaments pourrait être menée afin d’assurer une juste régulation de la rémunération des officines. »

Les négociations conventionnelles actuelles s’engagent donc en terrain plutôt tendu sur le volet économique entre l’assurance maladie et les représentants syndicaux des pharmaciens.

Le versement des prestations de ville en 2022 a retrouvé sa tendance d’avant-crise (hors dépenses engendrées par la crise sanitaire). Cette croissance est essentiellement portée par l’innovation thérapeutique (AMM obtenues entre 2017 et 2020), avec la prise en charge de nouveaux traitements onéreux (18 000 euros en moyenne, jusque 70 000 euros par patient) et la poursuite de l’arrivée en officine de produits dont la délivrance était auparavant réservée aux pharmacies hospitalières. De plus, la chronicisation des pathologies et le vieillissement de la population conduisent à l’augmentation du nombre de bénéficiaires en affection de longue durée (ALD).[1]

Le corolaire pour l’officine est de « gonfler » le chiffre d’affaires des officines. Les médicaments remboursables au prix fabricant supérieur à 150 euros (PFHT > 150€) représentent en 2023 près de 38 % du C.A.H.T. à TVA 2,1% avec un taux de marque d’environ 5% (vs 32,44 % sur l’ensemble de l’activité).[2]

A cela s’ajoutent l’inflation des prix d’achat sur les produits conseils et de parapharmacie, qui n’a pas forcément été répercutée sur les prix de vente, ainsi que les ruptures de médicaments. Les tensions d’approvisionnement sont d’autant plus préoccupantes pour les patients qu’elles ne sont que très partiellement résorbées. Ainsi, selon l’ANSM, à peine 59% des 1 602 ruptures de stock et 62% des 2 159 risques de ruptures de stock signalées en 2022 ont été clôturées à ce jour. Le projet de loi adoptée mi-mars à l’Assemblée nationale oblige désormais les fabricants à disposer de stocks plus importants sous peine d’amendes aux montants relevés.[3]

Ce contexte économique incite les pharmaciens à faire preuve d’une flexibilité inédite. Il implique également d’être en mesure de réagir plus vite aux aléas économiques, aux nouveaux besoins des usagers du système de santé et à la fluctuation des ressources.

Le 1er enjeu pour les pharmaciens est donc de s’organiser au niveau du back-office pour piloter au mieux leurs achats, le suivi des relations commerciales avec leurs fournisseurs, leurs stocks, leur marge brute et les ressources humaines.

L’enjeu serviciel

La poursuite du développement des missions des pharmaciens d’officine pour améliorer l’accès aux soins est désormais acquise.

Le suivi sur les 3 premiers trimestres de 2023 des actes pris en charge par l’Assurance maladie montre une sur-représentation des activités liées à la pandémie de Covid. La vaccination est l’acte qui remporte le plus de succès au sein du réseau officinal , il représente 20% de la totalité des actes pris en charge par l’Assurance maladie (vaccins contre la grippe saisonnière et contre la Covid, puis à partir d’août 2023 élargissement de la prescription et administration de l’ensemble des vaccins recommandés pour les personnes âgées de plus de 11 ans[4]).

Ainsi en 2023, 87% des pharmacies ont administré au moins un vaccin au cours de l’année, contribuant donc largement aux campagnes de santé publique puisque ¾ des vaccinations contre la Covid et 60% des vaccins contre la grippe saisonnière ont été réalisés en pharmacie.

Les dépistages, qui pèsent 4% des actes de santé remboursés, sont majoritairement concentrés sur la remise des kits de dépistage du cancer colorectal.

Les services historiques tels que les entretiens pharmaceutiques (0,3% des actes pris en charge par l’Assurance maladie) trouvent un nouvel essor avec l’accompagnement simplifié pour les femmes enceintes. Le nombre de pharmacies impliquées restait toutefois marginal en octobre 2023 [5] avec :

  • 4% des officines qui réalisaient des entretiens AOD, Vit K et Asthme
  • 16% des pharmacies ayant mené au moins un entretien femme enceinte

Quant à la téléconsultation en pharmacie, 20% des pharmacies seraient équipées de bornes ou cabines de téléconsultation.

Les chiffres présentés n’abordent que les missions pharmaceutiques conventionnées avec l’Assurance maladie. N’oublions pas que les pharmacies peuvent également participer à des expérimentations comme Pharm OSyS (Orientation dans le Système de Soins) qui est étendu à 3 nouvelles régions en 2024.

Par ailleurs, rappelons que depuis octobre 2018[6], proposer des services de santé en pharmacie hors champ conventionnel reste possible notamment dans la prévention et la promotion de la santé, ainsi que l’accompagnement préventif à la iatrogénie médicamenteuse, le rappel des règles de bon usage des médicaments et le suivi de l’observance thérapeutique.

L’enjeu pour les pharmacies axées sur les services de santé, repose sur la combinaison de l’intervention humaine et des technologies. Ainsi intégrer un service dans une pharmacie va mobiliser des ressources humaines et des outils pour organiser l’accueil, la prestation et le suivi.

L’enjeu environnemental

Le sujet de l’urgence climatique n’a pas encore réellement pénétré le secteur de la santé et à fortiori l’officine. Pourtant rapports du GIEC et scientifiques appellent toutes les entreprises à placer la préservation de l’environnement au sein de leur stratégie.

En effet, une augmentation globale de 1,5 °C au-dessus de la moyenne préindustrielle, ainsi que la perte continue de biodiversité, risquent à terme, d’entraîner des conséquences catastrophiques sur la santé humaine. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur de la santé ont été estimées par le Shift Project à environ 8 % des émissions nationales[7]. L’hôpital et les produits pharmaceutiques sont les principales sources d’émissions des GES suivis par le transport des patients, du personnel de santé, des visiteurs et des produits médicaux. Pour mesurer et coordonner les actions, un comité stratégique sur la transition écologique en santé a été créé au ministère de la Santé en mars 2023.

La convention nationale des pharmaciens du 9 mars 2022[8] introduit pour la 1ère fois la notion d’écologie dans l’exercice de la pharmacie.

L’article 7 prévoit l’engagement du pharmacien pour « une pratique professionnelle compatible avec les enjeux de développement durable ».

Il s’agit de recommandations sur des écogestes en pharmacie pour réduire la consommation d’énergie, des emballages, des livraisons et impliquer davantage patients et équipe dans la collecte de médicaments non utilisés et des DASRI. Un second volet de la convention porte sur la dispensation à l’unité. Plus particulièrement, la dispensation à l’unité des antibiotiques poursuit l’objectif de lutter contre l’antibiorésistance.

S’il n’y a aucun résultat chiffré associé à ces engagements, la démarche reste louable et a le mérite d’initier une sensibilisation du réseau officinal aux préoccupations environnementales.

Pour une pharmacie, il peut toutefois sembler ardu de savoir par où commencer pour engager concrètement dans une démarche de limitation des impacts écologiques et sociaux négatifs.

L’enjeu environnemental pour la pharmacie repose d’abord sur identifier les principales activités à impact fort sur l’environnement et agir à l’échelle de la pharmacie. Il s’agit donc de prioriser les sujets et mettre en place des méthodes pour réduire l’empreinte carbone de la pharmacie.

Un observatoire pour décrypter l’écosystème innovant en pharmacie

Les 3 enjeux cités précédemment vont accentuer les différences d’attractivité commerciale entre les pharmacies. En effet, organiser l’entreprise pour plus d’efficience en back office, intégrer des services de santé de manière pérenne et initier une démarche plus écoresponsable influent sur la perception des usagers et des patients. Certes le rôle de professionnel de santé du pharmacien demeure au centre de l’activité mais la pression concurrentielle entre les pharmacies reste une réalité notamment dans les zones urbaines.

Ainsi, il semble important pour une pharmacie de relever ces trois enjeux afin de satisfaire ses usagers.

La Pharmacie Digitale s’est associée à Health Analytica pour répertorier, cartographier et analyser les solutions innovantes destinées aux pharmaciens avec Le 1er observatoire de l’innovation en pharmacie

Il ressort de cette analyse une offre dynamique et large de plus de 130 solutions pour les quelques 20 000 pharmacies françaises.

Pour comprendre la dynamique de cet écosystème, l’inventaire nous enseigne que :

  • 20% des produits technologiques pour l’officine sont relativement récents (moins de 3 ans)
  • 55% de l’offre apporte un support en back-office et en gestion de l’équipe, ce qui répond au 1er enjeu présenté ci-dessus
  • Les solutions répondant aux enjeux de services aux patients et de développement durable, sont quant à elles, minoritaires (respectivement 21% et 4% de l’offre)
Panel des solutions innovantes pour la pharmacie

A partir de ce constat, l’observatoire définit les domaines d’innovation les plus prometteurs à moyen terme ainsi que les leviers à leur déploiement et à leur adoption. De plus, parmi les facteurs clef d’appropriation, le rôle des partenaires de l’officine reste central.

Une enquête auprès des pharmaciens et leurs équipes pour cerner leurs attentes en termes d’innovation

Pour aller plus loin, une enquête auprès des pharmaciens et des équipes, réalisée par PharmedInsight, vient compléter l’état des lieux de l’Observatoire de l’innovation en pharmacie.

Bonne nouvelle, les pharmaciens ont une perception de l’innovation plutôt élevée et positive !

En effet, ils sont unanimes sur la nécessité de moderniser l’exercice de la pharmacie et perçoivent les outils numériques comme le moyen pour y parvenir. La gestion des achats et du stock, suivie par les services de santé aux patients, sont identifiés comme des besoins prioritaires. Mais bien que les pharmaciens aient perçus que les patients attendaient davantage d’innovations dans les services, ce sont majoritairement les solutions en back-office qui présentent, à ce jour, davantage de potentiel d’adoption.

Sur l’ensemble des catégories de solutions évaluées dans cette enquête, 4 typologies se dégagent :

  • Les solutions qui sont les plus diffusées ou en devenir de l’être et ayant récolté la plus forte perception d’innovation. Les solutions ainsi positionnées répondent également aux besoins d’innovation jugés comme prioritaires par les pharmaciens : la gestion des achats et du stock. On y retrouve au premier plan le coffre-fort numérique permettant d’agréger les factures, les marketplaces d’achat BtoB et les logiciels de gestion des missions pharmaceutiques conventionnées.
  • Les solutions qui sont les plus diffusées ou en devenir de l’être mais avec une perception de l’innovation plus faible. Ces solutions répondent aux besoins de formation et de recrutement des pharmaciens ainsi que la prise de RDV en ligne pour les patients.
  • Les solutions perçues comme plus innovantes mais à plus faible potentiel de diffusion. Les solutions les plus avancées en termes de technologie comme l’intelligence artificielle pour le contrôle des ordonnances ou les logiciels additionnels permettant d’intégrer des activités opérationnelles et administratives (ERP) n’intéressent à court terme qu’une plus faible part des répondants.
  • Les solutions perçues comme peu innovantes et à plus faible potentiel de diffusion. Ces solutions ont pour point commun d’apporter des services aux patients consommateurs (solutions BtoC). Les services de santé aux patients étaient pourtant parmi les besoins identifiés comme prioritaires par les pharmaciens.

Autres enseignements de cette enquête

Le profil de la pharmacie est particulièrement clivant dans les orientations sur les services aux patients. En effet, les pharmacies de centre commercial ou ayant une activité supérieure à 3 millions d’euros perçoivent une plus forte valeur innovante lorsqu’elles se prononcent sur les solutions d’accompagnement des patients et d’amélioration de l’expérience patient. Ces dernières sont aussi plus équipées que l’ensemble des pharmacies en innovations pour les services aux patients. Ceci indique aux partenaires du pharmacien qu’une granularité dans l’offre devient incontournable. Les capacités à mobiliser des ressources financières et humaines deviennent un facteur clef à l’adoption.

Enfin, de manière générale, les préparateurs utilisateurs de ces solutions se montrent plus enthousiastes sur le caractère innovant des solutions proposées. Pour les collaborateurs, les besoins prioritaires concernent les échanges d’informations et de conseils entre les membres de l’équipe.

L’observatoire de l’innovation en officine et l’enquête auprès des titulaires et des préparateurs sont 2 volets distincts et complémentaires pour comprendre l’offre existante et les attentes en pharmacie.

L’observatoire fait l’inventaire et analyse le potentiel des solutions dans l’écosystème. L’enquête dresse un état des lieux de la perception de l’innovation en pharmacie.

Ces 2 éditions sont disponibles sur le site Health Analytica.

Retrouvez 3 infographies présentant les chiffres clefs : https://observatoire.pharmedigroup.com/  

Sources :

[1] Les immunothérapies et plus généralement les anticancéreux expliquent presque à eux seuls la croissance des dépenses. Par exemple, 30 d’entre eux comptent pour 7% de l’ensemble des dépenses pharmaceutiques remboursables (officine, rétrocession, liste en sus et accès précoce).

[2] Statistiques 2024 – Groupement d’experts comptables CGP

[3] Proposition de loi n°2062 visant à lutter contre les pénuries de médicaments

[4] Arrêté du 9 aout 2023 – liste et conditions de vaccinations par les pharmaciens

[5] Données Gers Data  2023 Le CA & Co. de la pharmacie décrypté Edition n°5

[6] Décret conseils et prestations du 8 octobre 2018

[7] IRDES : Questions d’économie de la sante n° 278 – Mai 2023

[8] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045538155

[9] Article en 2022 sur l’écosysteme de la e-sante et les startups destinées à l’exercice de la pharmacie

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