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L’Assurance Maladie traite chaque année plus d’un milliard de prescriptions, toutes prescriptions confondues. Les ordonnances de médicaments par les médecins généralistes s’élèvent à elles seules à plus de 500 millions par an. A compter du 1er janvier 2025, l’e-prescription sera mise en œuvre pour l’ensemble des prescripteurs et des auxiliaires médicaux, en ville et en établissement de santé. Tout type de produits et actes de santé seront prescrits de manière dématérialisée pour sécuriser le circuit de prescription et en simplifier la gestion.
Ce changement majeur d’usage va se faire par étape avant la date butoir du 31 décembre 2024.
Les 1ers retours de l’expérimentation sur l’e-prescription
Le projet, piloté par le groupement d’intérêt économique (GIE) Sesam-Vitale, s’est déployé dans 3 départements (le Maine-et-Loire, la Saône-et-Loire et le Val-de-Marne). Entre juillet 2019 et mars 2021, 385 000 e-prescriptions avaient été éditées par 167 médecins. Seulement 148 000 e-prescriptions ont été délivrées en pharmacie soit un peu moins de 40%. Ce faible taux peut s’expliquer par le fait que seuls 2 puis 6 éditeurs de logiciels professionnels étaient opérationnels (3 LAP et 3 LGO en 2021) restreignant ainsi le nombre de pharmacies équipées à proximité des médecins expérimentateurs (59 pharmacies participantes). De plus les patients restent attachés à la prescription papier (seuls 27% des patients plébiscitent l’e-ordonnance selon une enquête de MeSoigner menée en 2018).
Désormais étendue à 5 autres départements (Yvelines, Seine-Maritime, Bas-Rhin, Morbihan et une partie du Pas-de-Calais), l’expérimentation de l’e-prescription se poursuit auprès des médecins et des pharmaciens. L’élargissement à davantage de logiciels devrait faciliter la dématérialisation du circuit de l’ordonnance en adressant un plus grand nombre de médecins libéraux et de pharmaciens. Mi-septembre 2022, le GIE Sesam-Vitale comptabilise 259 médecins et 76 pharmacies actifs sur le service totalisant plus d’un million d’e-prescriptions depuis juillet 2019. 23 logiciels sont actuellement autorisés « Ordonnance Numérique », dont 9 sont en phase de présérie.
La e-prescription en 2023
La prochaine étape vise à inclure à l’expérimentation des établissements de santé médico-social sans pharmacie à usage intérieur. Au premier semestre 2023, l’ordonnance numérique sera déployée avec quelques EHPAD en lien avec des pharmacies de ville.
Le déploiement progressif de l’ordonnance numérique pour l’ensemble des prescriptions de ville et pour les prescriptions hospitalières exécutées ou délivrées en ville se fera courant 2024. L’échéance de la généralisation de l’ordonnance numérique à l’ensemble des produits de santé, actes de biologie, actes infirmiers, actes de kinésithérapie, d’orthoptie, d’orthophonie et de pédicurie par l’ensemble des médecins et des auxiliaires médicaux, en ville et en établissement de santé, est fixée par ordonnance au 31 décembre 2024. Les modalités pratiques de cette généralisation sont en cours de validation pour une publication prochaine.
La dématérialisation de la prescription en pratique
Lors de la consultation, le médecin, via son logiciel d’aide à la prescription (LAP), prescrit à son patient, comme usuellement, médicament, dispositif médical ou prestation à l’exception de la radiologie et du transport. Si une ligne n’est pas codifiée dans la base des produits et des prestations du LAP, un champ libre permet au prescripteur d’ajouter du texte pour tout autre produit ou conseil.
Son LAP dématérialise, à la source, les données de ses prescriptions et les transmet vers une base de données sécurisée hébergée par l’Assurance Maladie. En parallèle, un format PDF de l’e-prescription est enregistré dans Mon Espace Santé, le carnet numérique du patient afin que ce dernier puisse retrouver son ordonnance numérique.
La prescription est imprimée signée et remise au patient. Un QR Code y est apposé pour véhiculer l’identifiant unique de la prescription.
Lors que le patient se présente à la pharmacie, par la lecture du QR Code, le pharmacien récupère les données de la e-prescription directement dans son logiciel métier (LGO) depuis la base de données sécurisée de l’Assurance Maladie. A noter que l’accès à la base e-prescription est restreint aux professionnels de santé par l’intermédiaire d’une authentification avec leur carte professionnelle et Pro SantéConnect.
Si le pharmacien modifie la prescription du médecin dans les conditions prévues réglementairement, il renseigne alors dans la base le motif qui l’a amené à ce choix. Qu’il y ait modification ou pas lors de la dispensation, le LGO transmet les données d’exécutions dans la base en parallèle de la facture. Si le patient l’a autorisé, le prescripteur peut consulter les données de dispensation réalisées sur ses prescriptions.
Un service socle du Ségur du Numérique
Cette dématérialisation des ordonnances ne fonctionne que dans un écosystème interopérable : des logiciels capables d’interroger et d’interpréter des données enregistrées de manière uniforme (des données structurées). Les éditeurs de logiciels métier sont soutenus financièrement pour mettre à niveau leurs solutions et rendre la e-prescription directement accessible depuis les logiciels médecins, pharmaciens et hospitaliers.
Le volet numérique du Ségur de la santé finance intégralement cette mise en réseau des outils professionnels. Le calendrier des demandes de financement vient de se clôturer pour les éditeurs de logiciels médecin et se prolonge jusqu’à mi-mars 2023 pour les officinaux. Pour tous les éditeurs à fin avril 2023, ils devront prouver avoir installé et formé les professionnels de santé aux nouvelles fonctionnalités « Ségur » dont l’intégration de la e-prescription. L’article sur Mon Espace Santé détaille les fonctionnalités pour la pharmacie.
Les facteurs encourageant à l’adoption de la e-prescription
Plusieurs conditions sont réunies pour contribuer à l’adoption de la e-prescription :
- l’infrastructure technique autour de Mon Espace Santé. L’ouverture, sauf opposition, d’un carnet numérique pour chaque assuré crée le réceptacle sécurisé, gratuit et national pour chaque usager du système de soin. Seulement 2% des assurés se sont opposés à la création de Mon Espace Santé.
- l’intégration de la fonctionnalité aux outils métier des professionnels de santé. Du coté des professionnels de santé, la dématérialisation du circuit d’une prescription doit être native et ne nécessiter aucune manipulation supplémentaire pour assurer la pérennité des usages.
- la volonté de maîtrise des dépenses de santé par l’Assurance maladie. La sécurisation des ordonnances en traçant les dispensations est une manière de contrôler les dépenses liées aux ordonnances falsifiées ainsi que le recyclage des prescriptions.
- et un modèle plus éco-responsable en proposant une alternative à l’impression papier.
A l’officine, les e-prescriptions représentent un gain de temps en supprimant le scan de l’ordonnance mais c’est surtout une garantie pour le dispensateur de s’assurer de la bonne validité d’une ordonnance. Les ordonnances issues de téléconsultation sont par exemple aujourd’hui problématiques car le pharmacien n’a pas la capacité de s’assurer d’avoir une prescription conforme aux dispositions de l’article R.5132-22 du CSP : l’original de l’ordonnance signée de manière manuscrite. De même, le récent protocole de vérification de l’authenticité des ordonnances de médicaments onéreux n’aura plus lieu d’être avec une e-prescription sécurisée.
Ce changement d’usage va également permettre le déploiement des acteurs de la livraison de médicaments. L’intégration de l’ordonnance sécurisée et dématérialisé permet de s’affranchir de l’étape coûteuse de récupération de l’original de l’ordonnance et ainsi proposer un parcours patient totalement en ligne. Par ailleurs, l’Agence du Numérique en Santé travaille à la possible transmission par le patient d’une e-prescription à son pharmacien depuis son Espace Santé via la messagerie sécurisée.
La Belgique a mis en place la prescription électronique
Le service fédéral belge a initié la transition vers le e-prescription en janvier 2020. 2 ans plus tard, 58% des prescriptions étaient délivrées de manière dématérialisée.
Les ordonnances numériques sont désormais accessibles sur la Plateforme Recip-e, les carnets de santé numériques MaSanté ou myhealth viewer. Elles sont également présentes dans les coffres forts sécurisés des réseaux de santé de chaque région (RSW en Wallonie, Brusafe + pour Bruxelles …) et l’application VIDIS (un dossier de médication multidisciplinaire partagé qui livre une vue d’ensemble et actualisée des traitements prescrits et/ou délivrés à un patient).
Tous les logiciels des prescripteurs ont également été préparés pour la dématérialisation et équipés de la fonction de prescription électronique dès le 1er juin 2021. Elle n’a été rendue obligatoire à partir du 15 septembre 2021.
Source : https://recip-e.be/fr
En pratique, le médecin, la sage-femme ou le dentiste rédige sa e-prescription et a la possibilité de l’imprimer avec un code barre d’identification. Durant la période de validité de la e-prescription (un mois moins un jour à partir du jour où le prescripteur a rédigé la prescription) le patient se rend en officine. Il peut soit présenter son impression, son carnet de santé numérique ou simplement sa pièce d’identité numérique (e-ID). La confidentialité des ordonnances est administrée par le patient qui peut rendre une prescription invisible ou une délivrance dématérialisée impossible pour une ou toutes les pharmacies.
A noter qu’une dérogation à l’obligation de prescrire électroniquement a été accordée à titre définitif aux médecins généralistes âgés de plus de 64 ans en 2020 et en fin de carrière. La prescription manuscrite « classique » demeure une prescription ayant valeur légale et pourra toujours être utilisée.
L’envoi de l’ordonnance par le médecin directement au pharmacien reste interdite. L’envoi par mail d’une prescription directement au patient demeure déconseillé car le canal de transmission est non sécurisé. Enfin, rappelons que la vente en ligne des médicaments pour lesquels une prescription médicale est nécessaire reste également interdite.
L’exemple de nos voisins belges, nous enseigne qu’il a fallu près d’un an et demi pour que les outils métiers soient opérationnels. Certes, la crise sanitaire a retardé les développements. Ce n’est qu’à partir de juin 2021 que l’interopérabilité des logiciels et des écosystèmes patients a été largement fonctionnelle. Dès lors, soit au bout de 6 mois, près de 6 ordonnances sur 10 étaient présentées à la dispensation de manière dématérialisée. Ce retour d’expérience est donc plutôt encourageant quant à l’adoption de ce nouvel usage lorsque des conditions techniques fluides sont réunies.
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