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Un chatbot en pharmacie. Partie 2 : l’assistant personnel

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Deuxième partie des articles consacrés à l’usage des chatbots en pharmacie. Après avoir illustré des applications potentielles des chatbots dans l’activité du pharmacien (cf article partie 1), voici l’autre versant des usages des chatbots en relation avec les patients.

Ces assistants conversationnels ont-ils du potentiel en tant que nouveaux canaux de contact avec les patients-clients ?

La réponse est assurément oui ! Les chatbots pourraient remplir plusieurs fonctions comme :

  • l’assistance conversationnelle à la recommandation de produit
  • l’aide à l’orientation médicale
  • l’accompagnement et le suivi des patients à distance
  • le coaching personnel de bien être et santé

L’un des usages déjà répandus d’un chatbot à destination des patients-clients va concerner des finalités commerciales.

Assistants conversationnels de recommandation de produit

La recommandation de produits (hors médicaments avec AMM) trouve une application sur un site marchand de pharmacie.

La start-up Pharmaseek développe des outils et des solutions d’intelligence artificielle pour les marques et les distributeurs de produits de santé et de parapharmacie.

Au travers de questionnaires en ligne, Pharmaseek reproduit le cheminement équivalent à un conseil en pharmacie pour un diagnostic de peau. Le moteur de recommandation « dialogue » en langage naturel avec l’utilisateur.
Pour aboutir à des préconisations produits pertinentes, c’est-à-dire avec des déterminants pour faire des choix, la start-up a normé une base de donnée de plus de 300 produits.
La solution est déployée pour une douzaine de tests de dermo-cosmétiques (quel soin si je suis enceinte,  ménopausée, pour des rides installées …) qui adresseront 80% du marché. Les prochains développements portent sur les compléments alimentaires et l’aromathérapie, les subtilités des dosages rendent l’élaboration de la base de donnée complexe.

Copie écran questionnaire Pharmaseek
Copie écran questionnaire Pharmaseek

Pharmaseek permet aux marques de construire des bases de données clients sur-qualifiées et accompagne les marques à organiser et analyser ces profils d’utilisateurs.

Le modèle repose sur une offre freemium et 3 types de clients :

Les sites e-commerce de parapharmacie, la solution en web service participe au conseil avant vente avec des préconisations des produits référencées sur le site,

Les sites marchands réglementés, comme les pharmacies, pour lesquels les tests sont structurés différemment,

Les sites média grand public pour lesquels le modèle est couplé à une plateforme d’affiliation. En amont du parcours d’achat, les patients s’informent seuls sur internet et sont en recherche d’immédiateté et d’autonomie. Si la génération du conseil en ligne sur le site grand public a abouti à un achat sur le site de la marque, Pharmaseek est commissionné sur la vente.

Ces assistants d’aide au choix permettent une expérience client personnalisée pour les e-pharmacies.

Dans un registre plus médical, des start-ups proposent aux internautes ou mobinautes une réponse immédiate sur des questions de santé.

Chatbot d’orientation médicale

DocForYou lancé en 2012, est un chatbot médical qui reproduit le raisonnement médical afin d’analyser les symptômes et de proposer la maladie la plus probable.
Le bot pose une succession de questions comme le ferait un médecin au cours de sa consultation. En fonction des réponses données, l’algorithme recherche la question la plus discriminante pour permettre d’évoquer une maladie. Grâce au machine learning, l’algorithme va s’améliorer progressivement.[1]
Cette solution fournit une information santé de façon personnalisée, interactive et fiable qui remplace les recherches anxiogènes et les sources non vérifiées du net. D’autre part, elle permet d’éviter des recours à des consultations évitables en fournissant une information de qualité. DocForYou se démarque de ses concurrents (Babylon, webMd) en allant jusqu’aux symptômes.

DocForYou est disponible via une app et dernièrement sur Messenger. Bien que le bot ait pour vocation à répondre à tous ceux concernés par des problèmes de santé, les utilisateurs sont pour le moment plutôt jeunes (25-55 ans)  avec une prédominance féminine.

Application DocForYou source AppleStore
Application DocForYou source AppleStore

L’application embarque également un carnet de santé et un pilulier interactif, permet de localiser les professionnels de santé, dont les pharmacies, et d’accéder aux notices des médicaments autorisés en France.

Les prochains développements devraient permettre au chatbot de pouvoir répondre à n’importe quelle question orientée conseil. Par exemple : Ai-je le droit de manger cet aliment si je suis diabétique? Puis-je prendre ce médicament si je suis enceinte? DocForYou souhaite ainsi ajouter un volet prévention au service. Cet aspect semble pertinent dans les missions du pharmacien. Ce service pourrait être intégré à l’offre d’un groupement par exemple.

Chatbots d’accompagnement et de suivi des patients

Le suivi à distance en sortie d’hospitalisation existe déjà en France puisqu’il s’agit d’une obligation dans le cadre du virage ambulatoire. Ainsi les services ambulatoires des hôpitaux et cliniques font appel à des start-ups pour assurer ce service de façon automatisée et libérer du temps infirmier.

Logo Calmedica

La start-up Calmedica vient de reporter l’appel d’offre de l’APHP pour la gestion par SMS des patients en pré et post chirurgies ambulatoires des 39 hôpitaux parisiens (qui viennent s’ajouter aux 50 établissements déjà clients).

Un algorithme envoie des SMS au patient à des échéances fixes (J-2, J-1, J+1 et éventuellement J+7) afin de fluidifier le parcours de soins (rappel d’arrêt de traitement, confirmation de l’heure de convocation). L’établissement diminue ainsi le nombre de patients récusés le jour de l’intervention et assure une surveillance après l’intervention pour éviter un défaut de suivi lors de complications des suites de l’intervention.

Les taux de réponse des patients ainsi pris en charge sont particulièrement bons : 95%. Par exemple à l’hôpital Saint Antoine, la mise en place du robot a permis de diminuer de 30% les annulations d’interventions programmées. Par ailleurs, l’analyse des retours problématiques dans le suivi à J+1 ou J+7 permet également d’identifier des points d’alerte. Une boucle vertueuse de qualité se met en place et, à moyen terme, ayant pour conséquence l’amélioration des procédures en sortie ambulatoire et, donc, la vie des patients.

Le bot développé par Calmedica pour chaque établissement est capable de comprendre le langage naturel des réponses SMS, de les analyser et de déclencher une action. Dès qu’il identifie un problème ou ne comprend plus, le relais est passé à un infirmier.

Logo Wefight
Wefight

Autre exemple, avec Vik, le bot de WeFightt, dont l’objectif est de renforcer l’adhérence thérapeutique en oncologie via une application de messagerie ou par SMS. Vik va notamment rappeler qu’il faut prendre ses comprimés, donner des explications, remémorer des rendez-vous, mais aussi répondre aux questions des patients, éclairer, rassurer…

Copie d'écran Vik
Copie d’écran d’échanges avec le bot Vik

La pharmacie pourrait s’inspirer de ces exemples dédiés à l’hôpital.

Dans le cadre des nouvelles missions initiées avec la loi HPST, le pharmacien se voit confier des entretiens pharmaceutiques. Ces entretiens conventionnés et rémunérés correspondent à deux entretiens par an pour les patients sous traitement AVK ou asthmatiques (revalorisé à 50€ par patients la 1ère année et au contenu simplifié à compter du 1er janvier 2018).

Or pour changer un comportement (être plus observant, maîtriser le geste de prise du traitement, modifier ses habitudes alimentaires…) cette fréquence de RDV semble cependant trop faible. En revanche, entre les 6 mois qui séparent les deux entretiens, avoir une conversation à distance personnalisée, en fonction de l’échange en face face avec le pharmacien, pourrait répondre à la problématique de suivi et motivationnelle. Un suivi à distance faciliterait l’organisation du pharmacien (la première critique faite aux entretiens par les pharmaciens) et serait moins intrusif et plus commode pour le patient. Les RDVs avec le pharmacien seraient plus constructifs car s’appuyant sur des informations de suivi et la constatation d’une amélioration de la qualité de vie du patient.

Hors du cadre des entretiens protocolisés et rémunérés, le pharmacien peut devenir le coach pour le bien-être et la santé des patients dans un objectif de fidélisation.

Coach personnel de bien être et de santé

C’est le positionnement de SmokeWatchers un réseau social multi‑plateforme accompagnant les fumeurs vers l’arrêt. En rejoignant la communauté, le fumeur accède à une solution complète pour un soutien collaboratif : coaching virtuel et encouragements des « watchers » pour un suivi en temps réel. Les watchers certifiés sont généralement des professionnels de santé, des coachs sportifs, des coachs de vie, des volontaires ou anciens fumeurs ayant fait leurs preuves au sein de la communauté. Les watchers sont sélectionnés par le fumeur lorsqu’il s’inscrit.

SmokeWatchers propose aux pharmaciens de devenir acteur du sevrage tabagique de leur patient en leur offrant les outils pour assurer le soutien et le suivi tout au long du processus d’arrêt. Une plateforme web est dédiée aux watchers avec un service Web, un suivi à distance, des alertes intelligentes et un accès à la communauté.

SmokeWatcher, le pharmacien coach
SmokeWatcher, le pharmacien coach

Le coaching santé à l’ère de l’assistance

Pillo est un compagnon à domicile qui promet de s’occuper de la santé et du bien-être de toute la famille. Pillo va au delà de la conversation et préfigure le potentiel des intelligences artificielles à l’ère de l’assistance. Financé sur la plateforme participative Indiegogo, Pillo Health a levé 118 k$ dépassant ses espérances et devrait commencer à être livré aux Etas-Unis en 2017.

hello pillo
Hello pillo

Doté d’un système de reconnaissance facial et d’un pilotage à la voix, Pillo est un petit robot qui distribue les médicaments aux membres d’un même foyer. Il peut s’agir de comprimés  liés à des maladies, mais également de vitamines et autres compléments alimentaires : Pillo reconnait la personne qui est en face de lui et peut distribuer les bons médicaments au moment opportun.

Il peut également émettre des notifications sur un Smartphone, pour éviter tout oubli de prise de médicaments à une heure précise. Il est également capable de prévenir une autre personne si l’utilisateur n’a pas pris certaines médicaments, ce qui peut être utile pour surveiller les personnes âgées. Il est capable de stocker 240 comprimés, soit  jusqu’à 4 semaines de pilules, ou jusqu’à 2 semaines pour les personnes ou familles prenant beaucoup de médicaments. Les comprimés seront à terme pré-chargés dans des plateaux où pillo les trie lors du chargement. Mais l’accès aux comprimés est sécurisé dans le boitier et par des identifiants biométriques.

Pillo est capable de recommander les médicaments directement à la pharmacie. Le robot peut également répondre à certaines questions liées à la santé grâce à l’intégration de bases de données en ligne vérifiées  dans le domaine de la médecine, la nutrition, l’alimentation … Dans les pays où le service sera proposé, il pourra connecter l’utilisateur avec un professionnel de santé capable de répondre à des questions plus pointues. Dans l’immédiat, l’appareil est prévu pour un fonctionnement en langue anglaise, mais ses concepteurs assurent que Pillo sera capable de parler plusieurs langues « en temps voulu ».

Pillo est une plateforme qui peut se connecter avec toute interface : des applications mobiles, aux  wearables et aux professionnels de santé.

How pillo works
How pillo works

 

Une enseigne de pharmacie connectée à cette interface conversationnelle permettrait d’amener le pharmacien directement dans le foyer.

Un prérequis, l’organisation de la donnée

Les bots sont des automates qui agissent selon un scénario préétabli qui n’autorise (quasiment) aucune sortie de route côté utilisateur. 90% des chatbots disponibles sur les applis utilisées quotidiennement sont fixes dans leurs fonctionnalités (Facebook Messenger, Twitter, Slack, Siri…), et en ce qui concerne la conversation, le bot montre vite ses limites dès que l’on s’éloigne un peu du scénario prévu.

En l’état, la fonction remplie par les bots consiste à automatiser des tâches simples en leur ajoutant une interface qui ressemble à de la conversation. Mais l’enjeu des assistants conversationnels est l’intégration du machine learning afin qu’ils évoluent de manière continue.

Le bot puise ses réponses dans une base de connaissances. La quantité et la qualité des données sont donc essentielles pour fournir des réponses automatisées précises et adaptées. Plusieurs sources peuvent alimenter ce contenu. Une base de connaissances incomplète peut apporter une expérience déceptive à l’utilisateur du fait de réponses incomplètes ou approximatives, voire inexistantes.

Avant tout projet de chatbot, il est donc primordial d’avoir effectué la transformation digitale de son organisation notamment en structurant et en qualifiant la donnée (client, produits, stock…).

Quant aux données de santé à caractère personnel [2], rappelons toutefois, qu’elles doivent être hébergées chez un hébergeur agréé et que leur exploitation est interdite. Le règlement européen [3] qui entrera en vigueur en mai 2018 prévoit cependant une longue liste d’exceptions notamment à des fins de service public ou d’amélioration du système de santé (Article 9).

Dernier point, le principe du « privacy by design » qui instaure une protection des données dès la conception du service et par défaut avec un consentement éclairé de l’usager final quant à l’utilisation et au partage qui sera fait de ses données.

Ces nouveaux services de conversation à distance sont pour le moment réalisés par des tiers. Leurs utilités diverses (finalité commerciale, coaching de santé ou de bien-être, surveillance) pourraient s’inscrire dans l’offre de service d’un groupement de pharmaciens à moyenne échéance. A plus longue échéance, ces assistants conversationnels pourraient s’inscrire dans les outils de santé publique de prévention.

Sources :

[1] : interview de Jean-Marie Castellucci, fondateur et CEO de DocForYou, Frenchweb 13 avril 2017

[2] : Donnée de santé : « toute information concernant une maladie, un handicap, un risque de maladie, les antécédents médicaux, un traitement clinique ou l’état physiologique ou biomédical de la personne concernée, indépendamment de sa source » ; données dites « personnelles » quand elles permettent d’identifier la personne concernée

[3] : Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016

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