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La livraison de médicaments est-elle vraiment une révolution ?

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Le service de livraison de médicaments à domicile est réalisé depuis longtemps, par les pharmaciens pour leurs patients, à titre gratuit mais de façon « artisanale ». De nouveaux acteurs se positionnent sur cette activité et l’actualité de ces derniers mois a été particulièrement riche en annonces de ce type de service, présenté comme une révolution.

Colis de médicament livré par La Poste
Colis de médicament livré par La Poste

La 1ère offre de livraison de médicaments par un tiers sur Internet : Mes Médicaments Chez Moi.

Depuis 2013, le groupe La Poste a crée sa propre offre de portage dédiée aux pharmaciens, « Proxi Course Santé », utilisée actuellement par 700 officines. Le pharmacien doit déposer au guichet de l’établissement le plus proche le paquet de médicament. Celui-ci est pris en charge dans la tournée du facteur qui le remet contre signature.

Désormais, La Poste s’adresse directement aux patients, en partenariat avec Medissimo et mesoigner.fr, et expérimente depuis octobre 2016, avec une dizaine de pharmacies sur la région bordelaise, la livraison au domicile par des facteurs. Le patient s’inscrit sur le site mmcm.com, crée son espace personnel sur le hub de La Poste et y passe commande d’un traitement ponctuel ou d’un traitement régulier mis sous pilulier Medissimo ou tout autre produit OTC ou parapharmacie. Dans le cas d’une prescription, le facteur vient au domicile du client pour récupérer son ordonnance selon le jour choisi. La prescription est apportée à l’officine et sera récupérée par le facteur, une fois prête, pour la livrer dans un emballage sécurisé. Le client peut suivre la commande ou dialoguer avec le pharmacien via internet.

Le coût unitaire d’une livraison est de 8,90 euros (ou un forfait à 47,40 € les 6 livraisons). Le traitement de un mois en piluliers hebdomadaires est facturé 19,90 euros au patient et 49,90 euros dans le cas d’un pilulier connecté.

Principe de MesMedicamentsChezMoi
Principe de MesMedicamentsChezMoi

L’expérimentation a depuis été étendue à toute la France, notamment avec le groupement Giphar dans les départements de Loire Atlantique et Vendée (44 et 85). 60 à 80 officines sous enseigne Giphar vont proposer ce service payant via l’application mobile « mes médicaments chez moi » pour une livraison à domicile le lendemain ou le surlendemain. La livraison unitaire est facturée  7,90 €TTC au client et 25,90 € TTC pour un service comprenant en plus la mise en pilulier ou PDA (le choix du fournisseur est libre pour le pharmacien).

En région parisienne, les startups de la livraison de médicaments à domicile.

Deux pure-players se sont lancés en 2017 : Pharma Express et Digital Officine.

Tableau comparatif de PharmaExpress et DigitalOfficine
Tableau  comparatif des plateformes Pharma Express et Digital Officine

A noter également la startup Otzii qui a été présentée lors de l’édition 2017 de PharmagoraPlus et hébergée chez Tech Care Paris. Le déploiement semble avoir pris du retard, la version béta de la plateforme et de l’application mobile, attendue à l’été, n’est pas disponible. Otzii se positionne sur la livraison de médicaments à Paris en moins de 30 minutes avec une prestation facturée au client de minimum 5€ auxquels s’ajoutent une majoration en fonction de la distance et de l’heure.

Il est étonnant de constater que l’offre se concentre en région parisienne où la densité officinale est déjà forte. La proximité des Franciliens avec une officine atténue l’utilité du service en rendant les coûts de livraison relativement dissuasifs. En revanche en dehors des heures d’ouverture des pharmacies, comme la nuit, les jours fériés et le dimanche, le service trouve toute son utilité. Dans cette logique, les 2 startups Pharma Express et Digital Officine ont initié des partenariats avec SOS Médecins [1] (respectivement SOS Médecins France et l’antenne du Val d’Oise) facilitant ainsi la dernière étape d’un parcours de santé lors d’une consultation à domicile.

Autre point d’interrogation, le modèle économique qui repose sur le client (avec les frais de livraison) mais également sur le pharmacien qui doit payer pour accéder à ces plateformes promettant un flux additionnel. Reste à savoir si ces derniers accepteront de céder une partie de leur marge sur les médicaments, essentiellement des traitements pour des pathologies aiguës, dont la rentabilité est en baisse continue.

Un autre groupement s’associe à La Poste pour livrer les médicaments.

Initié en juillet 2017, avec la pharmacie Prado Mermoz à Marseille (33 millions d’Euros de CA), le groupement PharmaBest propose en partenariat avec La Poste « pharmabest@home » un service de livraison à domicile par le facteur via une application mobile développée en propre.

Cette application permet aux patients, qui ne peuvent pas se déplacer, de recevoir à domicile en moins de 24h les médicaments prescrits par leur médecin.

Application Pharmabest PradoMermoz@home Sources : Pharmabest et GooglePlay
Application Pharmabest PradoMermoz@home
Source : Pharmabest

L’offre de livraison existante avec la Poste imposait des allers-retours d’ordonnance papier, ce qui est long et coûteux. Pour contourner le problème, Pharmabest mise sur la technologie pour sécuriser l’amont et l’aval de la livraison : le transfert de l’ordonnance à la pharmacie, le paiement de la prescription ou la gestion du tiers payant, puis l’alerte sur le Smartphone du facteur et le règlement du montant forfaitaire de la livraison (7,90 euros) et des achats.

Capture d'écran de l'Application Pharmabest PradoMermoz@home Source : GooglePlay
Captures d’écran de l’application Pharmabest PradoMermoz@home – Source : GooglePlay

Le service sera déployé dans l’ensemble du groupement avant la fin de l’année. Sur les 9 millions d’ordonnances traitées par les 60 officines PharmaBest (600 millions d’euros de chiffres d’affaires, 2.000 salariés), 50 000 livraisons d’ordonnance sont envisagées la première année puis plus d’un million soit 50 à 100 livraisons quotidiennes par pharmacie.[2]

La position de l’Ordre des pharmaciens

L’instance représentative des pharmaciens s’est prononcée rapidement sur ces  nouveaux services payants de portage de médicaments sur ordonnance rappelant :

« Le médicament n’est pas un produit comme les autres et sa dispensation doit être accompagnée par un pharmacien. »

L’Ordre s’inquiète de la sécurité de la dispensation sans échange ou accès au dossier pharmaceutique du patient ainsi que du circuit logistique des médicaments ainsi délivrés.[3]

Les sociétés visées indiquent que toute commande ne sera préparée qu’après un échange téléphonique avec le patient.

Et après ?

Comme évoqué précédemment, ces offres de livraison de médicaments se concentrent dans des zones où l’accès à une pharmacie est aisé. On peut s’interroger sur la duplication de ces modèles sur des territoires moins denses en pharmacies et où les patients, ayant des difficultés à accéder à une pharmacie, en auraient le plus besoin. Les coursiers y sont moins nombreux, voir absents, ceci donne donc un avantage compétitif fort à La Poste dont les facteurs assermentés desservent toutes villes et villages.
Mais cela est sans compter sur les prochains livreurs que seront les drones : plus rapides et beaucoup moins coûteux sur les derniers kilomètres.

Enfin, le déploiement de la prescription électronique sera un accélérateur pour ce type de solution mais soulève la question de l’interopérabilité avec les logiciels d’aide à la prescription que ce soit en cabinet médical, à domicile ou avec les plateformes de téléconsultation.

Sources :

[1] SOS Médecins est un réseau de 62 associations réparties sur l’ensemble du territoire et représenté par un échelon fédéral, SOS Médecins France. 60 % des actes sont réalisés la nuit, le samedi après-midi, le dimanche et les jours fériés
[2] Les Echos du 11/07/2017
[3] Communiqué de Presse de l’Ordre du 7 juillet 2017

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11 réponses à “La livraison de médicaments est-elle vraiment une révolution ?”

  1. Du coup , DigitalOfficine semble ne plus être en ligne…

    Comme indiqué dans l’article, la valeur ajoutée du service réside dans les livraisons effectuées pendant les we et jours fériés.
    Le modèle économique me semble également fragile.
    Les volumes doivent être très importants assurer une marge pour ces entreprises.
    En zone rurale, ces services semblent être pertinents mais là encore la fiabilité du modèle économique reste à être validée.

    • Merci de votre message. En effet, l’article date d’août 2017 et depuis certaines start-up ont disparu.
      Par ailleurs, j’ajouterai que l’absence de maturité sur le sujet plus large du e-commerce des pharmacies est une barrière à l’entrée forte pour la pérennité d’une activité sur ce marché.
      Hélène

  2. Bonjour
    Ce n’est pas vraiment une révolution déjà en 2000 il y avait déjà des livraisons de médicaments pour les particuliers. Le prix de la livraison est le frein le fort pour développer cette activité.
    En effet, est que la personne est prête a recevoir ces livraisons et payer le service.
    Je ne suis pas sûr… à moins que ça soit vraiment une urgence et la nuit.

  3. Merci pour cet article très intéressant, que je viens tout juste de découvrir ! Intéressant également de noter que depuis sa rédaction en 2017, les questions soulevées en fin d’article restent en suspens… Et à mettre sans doute en rapport avec l’évolution de la perception du métier de pharmacien et ses missions (conseil, vaccination, etc) qui tendent plutôt vers un renforcement du lien patient-pharmacien. Nous ne sommes pas encore au point où l’achat et la livraison de médicament serait 100% automatisée et déshumanisée (et heureusement), bien qu’on imagine que le premier acteur du e-commerce mondial doit y réfléchir activement vue la taille du marché…

    • Bonjour Sophie,
      En effet l’épidémie de COVID19 a fait naître un besoin de livraison pour les patients. Les pharmaciens ont rendu ce service et des acteurs comme Minute Pharma ou Stuart ont été massivement référencés par les groupements en mars et en avril.
      Selon une enquête Odoxa publiée ce jour, (http://www.odoxa.fr/sondage/francais-plebiscitent-lautorisation-tests-pharmacie/), 2% des français se serait fait livrer depuis le 16 mars (chiffres à prendre avec du recul car le recrutement du panel de répondants n’est pas spécifié).
      Il est probablement trop tôt pour définir si cette situation va perdurer au delà du confinement et après l’épidémie.

      • Bonjour,

        je vous remercie pour cet article très intéressant!
        Je profite pour poser une question, j’attendais qu’avec la crise du COVID, les livraisons à domicile seraient fortement demandées, apparemment ce n’est pas le cas…
        Suite à votre article, j’ai fait une recherche des start-ups/entreprises qui proposent actuellement ce service, mais sans succès. La grande majorité, le siteweb/l’application sur le mobile ne marche plus…
        Avez-vous peut-être plus d’information pourquoi ce service n’est pas disponible surtout dans cette période si particulier?

        Je vous remercie d’avance.

  4. Bonjour,

    je vous remercie pour votre article très intéressant.
    En lisant votre article, je me suis intéressé à rechercher les entreprises/startups qui fournissent toujours la livraison de médicament à domicile, surtout dans cette période si particulier à cause du COVID. Pour ma surprise, il me semble que la grande majorité des startups ne font plus ce service, sauf erreur de ma partie. La seule entreprise qui me semble encore « active », c’est la poste…
    Je m’attendais à avoir plus d’options pour ce type de service dans cette période.
    Avez-vous peut-être plus d’information à ce sujet?

    Je vous remercie d’avance.

  5. Bonjour, voilà bientôt un an que nous connaissons la crise sanitaire en France, qu’en est-il désormais de ce marché, s’est-il bien développé, les mentalités ont-elle évolué ?

    Merci beaucoup, bonne journée

    • La livraison par la pharmacie reste une commodité offerte par la pharmacie. En effet, la réglementation n’ayant pas évolué, les pharmacies ne peuvent en faire la promotion ni sous traiter directement cette prestation. Le principe reste qu’un patient doit en faire la demande et éventuellement s’acquitter du coût de ce service.
      L’absence de modèle économique semble donc l’explication principale au non développement de cet usage, le modèle de e-réservation suivi d’un passage en pharmacie reste prépondérant.
      Hélène

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